Il est des reconversions musicales pour le moins déroutantes. Voyez par exemple le cas des deux têtes pensantes de ce groupe qui, après des débuts remarqués dans le landernau techno/hardcore, n’ont pas hésité à prendre un virage à 180° afin d'accéder au panthéon des musiques atmosphériques.

Loin des bpm d’antan, les deux diplômés en multimédia, Jason Kohnen et Gideon Kiers, se fendent ainsi d’un premier album éloquent, aux intersections du post-rock et de l’electronica, sur fond de couleurs orchestrales et de turbulences free. Un album dont les premières mesures préfigurent des perspectives filmiques des plus aguichantes. Car si le duo s’est déjà fait la main sur des standards du cinéma muet, tels que "Nosferatu" et "Metropolis", il éclabousse ici les trames de ses propres fictions sonores d’une audace et d’une sensibilité débordantes.

Résultent de son iconoclaste alchimie onze pièces contrastées et fouillées, 11 pièces conciliant langueur automnale et tension éruptive. Soit 69 minutes de plaisirs larvés, 69 minutes marqués par de subtiles imbrications entre les lignes claires d’instruments classiques et les fréquences parasites de matériaux numériques.

Bref, entre jazz, electronica et psychedelia, le Kilimandjaro Darkjazz Ensemble a confectionné une bande-son à caractère romanesque et syncrétique, une de ces bande-son tristes et intimiste qui au bout de quelques écoutes à peine vous hantent jusqu’à l’entêtement.